Quand la diffusion, par verset «standalone» du texte biblique se transforme en icône
Les protestants de toute obédience, évangéliques, réformés, luthériens n'ont juré que par le texte pour transmettre la foi chrétienne. L'image et donc l'icône était proscrite pour médiatiser la foi. C'était une réaction à la fois salutaire pour «assécher» le marais émotionnel hérité de la fin du Moyen-Âge et pour crocher dans la nouvelle culture générée par l'imprimerie et le système scolaire. Où en sommes-nous aujourd'hui? Dans nos églises, nous avons certes éliminé ce marais, mais notre drainage théologique a aussi produit beaucoup de sécheresse. On «pense» Dieu avant de le vivre avec nos tripes. On se rend bien compte que les gens n'aiment plus lire, donc a cru bon de réduire la voilure de lecture. On diffuse la Bible par fragment et sans se rendre compte on a «icônisé» la parole de Dieu. On la transforme en icône, en image formée par des caractères alphabétique.
Pourquoi parler d'une parole «icônisée»?
Contrairement à ce que nous croyons, l'icône et les peintures religieuses représentant les histoires bibliques, l'histoire des saints, avaient une fonction didactique et non pas en premier le rôle attribué à l'image-porte-bonheur. Le pape Grégoire le Grand (540-604) écrivit le texte suivant à un certain Serenus de Marseille qui avait détruit les images saintes de son église, car ce que l'écrit procure aux gens qui lisent, la peinture le fournit aux analphabètes qui la regardent, puisque les ignorants voient ce qu'ils doivent imiter.
Comment l'icône se médiatise-t-elle?
Le pape Grégoire le Grand a vu juste, théoriquement parlant, mais Serenus de Marseille était dans la réalité des gens de sa communauté et il a compris que l'icône et les peintures religieuses étaient devenues plus que de simples supports de messages. Elles étaient devenues des objets-qui-procurent-un-bienfait-spirituel-rien-qu'en-les-touchant-ou-en-les-regardant. L'image est passée du domaine de la méditation à celle de la médiation. Elle devenait intermédiaire entre Dieu et le croyant.
Le processus de la transformation de l'image en idole
Le récit de Nombres 21:4-9 est très éclairant à ce sujet. Le peuple d'Israël, lors de son exode, désobéit à Dieu qui lui envoie des serpents brûlants pour le punir. Comme le peuple demandait à Moïse qu'il intercède auprès de Dieu de les délivrer, celui-ci ordonne au leader israélite de confectionner un serpent de bronze fixé sur une perche. Toute personne qui avait été mordue par un serpent et regardait le serpent en bronze avait la vie sauve (verset 9). L'histoire ne s'arrête pas là. Le roi de Juda, Ezéchias fils d'Achaz, qui régna dès 728 av. J.-C., fit détruire ce serpent, relaté par le texte suivant:
C'est lui qui supprima les lieux sacrés, qui fit briser les pierres dressées et couper les poteaux sacrés. Il fit aussi fracasser le serpent de bronze que Moïse avait fabriqué: en effet, jusqu'à cette époque-là, les Israélites brûlaient des parfums en l'honneur de ce serpent qu'on appelait Nehouchtan (2 Rois 18:4).
Le passage de l'image «porteuse d'un message de salut» à l'idole sera marqué par le nom qu'on aura donné au serpent de bronze. Un nom signifie que l'objet est passé du domaine symbolique dans le domaine d'une relation émotionnelle. Lorsqu'on connaît le nom, par exemple d'une personne, s'installe une relation très différente que lorsqu'elle reste dans l'anonymat.
Petite application avec l'image du Christ sur la croix
L'apôtre Jean fait référence au Christ au travers de ce serpent de bronze, il écrit: Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai à moi tous les humains. (Jean 12:32).