Comment TikTok, Instagram, Facebook vont transformer la transmission de la spiritualité
Sommes-nous conscients que les réseaux sociaux font un vrai boulot de sape de notre spiritualité chrétienne comme à l'époque la découverte et la généralisation de l'imprimerie a vérolé la spiritualité héritée du Moyen-Âge? Si les réformateurs du 16ème siècle, en Europe, n'avaient pas adopté la culture générée par la Renaissance, nous n'aurions pas le courant protestant et encore moins celui des évangéliques. Les réseaux sociaux, dont les derniers comme TikTok, vont laminer et formater notre perception de la réalité. Il faudrait en tenir compte et les fréquenter pour apprendre comment ils communiquent, comment ils font évoluer les mentalités, comment ils arrivent à véhiculer de nouveaux concepts de beauté, de compréhension.
Les supports culturels sont essentiels pour transmettre la foi à n'importe quelle époque
C'est un peu comme le langage des signes pour les sourds-muets. C'est un support essentiel. Nous avons souvent pensé, puisque nous parlons ou prêchons, que le message passe directement de notre cerveau à notre interlocuteur, sans filtre, sans support. C'est effectivement théoriquement le cas, mais nous oublions que notre corps fait déjà office de support, puisque nous modulons notre discours. Notre souffle, nos yeux, nos sourcils, nos bras, nos mains, notre corps tout entier, «parle», ce qu'on appelle le langage corporel. Dans la culture de l'écrit on «pense» Dieu et on fait abstraction de son corps. Souvent le pasteur compose sa prédication pour être lue par son auditeur. Or, un texte composé pour la lecture ne rend pas compte d'une réalité de la même façon qu'une histoire que l'on raconte. Imaginez qu'un lecteur, qui lit un texte pour lui et non pour un auditoire, se mette à gesticuler pour le comprendre. Le texte écrit n'est pas destiné à être «gesticulé», mais si vous êtes devant un public «Tiktok», votre prédication écrite, composée dans les standards du livre, c'est du chinois. C'est peut-être un peu caricatural, mais les réseaux sociaux nous éduquent à percevoir la réalité par le geste, les mouvements, la modulation, la couleur, les formes, la beauté, etc... Un peu comme la création de Dieu. Elle est multiforme, «multiperception» et très souvent éphémère, comme un coucher de soleil qui peut disparaître en quelques minutes.
Conséquences pour la transmission du message?
Nos pasteurs ont été formés à composer un message dans le style de l'écrivain et leur cursus de formation est essentiellement basé sur l'écrit. On pourrait me reprocher, avec raison, que je transmets mes idées par écrit, sauf que j'alimente aussi des chaînes vidéos. Dans quelques décennies, nos élites vont se rendre compte qu'elles parlent dans le vide ou qu'elles ne communiquent plus que pour une minorité de lettrés. Aucune culture, aussi savante soit-elle, ne peut répondre à l'ensemble de la problématique humaine. Elle restera toujours partielle, lacunaire. On a cru que l'école pouvait aplanir tous les problèmes existentiels. Hélas, non! Même les églises n'y arrivent pas!
Ce qui change fondamentalement
Dans la culture de l'écrit, nos messages sont conditionnés simplement par le fait qu'on est obligé d'écrire sur une ligne, même si elle est imaginaire. Donc, ce processus nous oblige à formuler le contenu du message selon un ordre logique et grammatical qui a ses règles. Par contre, on ne «lit» pas un clip vidéo comme on lit un texte. En linéaire. Aujourd'hui, les utilisateurs des réseaux sociaux ne lisent plus la réalité de la vie, selon les normes du livre. Ce qui nous pose encore plus de problèmes, c'est qu'ils ne formulent plus leur réalité sous forme de «messages», même des messages visuels, paraboliques. Ils veulent juste montrer leurs performances, leurs vies. Ils se mettent en scène et ils souhaitent être vus, likés. C'est incroyable, par exemple, sur TiKTok, les performances réalisées par le plus grand nombre: performances sportives, artistiques, éducatives, comme avec des animaux, etc... Pour arriver à leur niveau de compétence, ils ont dû s'entraîner à mort.
Le modèle du Christ
À son époque c'était un «TikTokeur», sauf qu'il montrait des performances, comme les guérisons, que peu de gens pouvaient reproduire. Il n'écrivait pas. Il s'est même soumis à la «performance» suprême, celle de la croix. On a vu le message de salut et pas lu ce message. Et voilà, notre plus grande difficulté. Nos concitoyens veulent voir (pas lire) nos performances spirituelles: le pardon à nos ennemis, la compassion pour les plus pauvres, les guérisons miraculeuses, les révélations de type prophétique, etc... or on sort d'une culture ecclésiastique où on a banni, dans nos activités publiques, à part dans le domaine de la musique, l'expression de ce que nous vivons, de ce que nous ressentons.
Comment s'adapter à la culture «TikTok»?
O Acceptez que vous n'allez pas pouvoir vous adapter, sans problème, à cette nouvelle culture. Une culture ne s'apprend pas, on y a grandi ou pas! C'est très difficile «d'apprendre» une culture, surtout à l'âge adulte.
O N'essayez pas de faire trop évoluer la culture de votre communauté pour l'adapter à la nouveauté. La culture est partie constituante de l'identité d'une personne. Vouloir changer peut déstabiliser une personne dans sa spiritualité et même dans sa foi. De ce fait, créez des groupements culturels nouveaux, sous le même toit, avec les nouvelles donnes du numérique. Vous devenez pasteur d'un réseau multiculturel.
O Les formats des TikTok et autres Instagram sont des formats courts et visuels. On a cru s'adapter en balançant des versets bibliques à la volée, sans relation entre eux. C'est un non sens complet et une destructuration phénoménale. Regardez comment des créateurs de ces réseaux, comme TikTok arrivent à transmettre un vrai message profond et concis en moins de 2 minutes.
O Si vous n'avez pas le «charme» télévisuel, c'est-à-dire celui qui crève l'écran, oubliez votre passage à l'écran. C'est comme une personne qui s'exprime mal par écrit. C'est contreproductif.
O La prédication ex-cathedra de l'ancien style est à proscrire complètement. Ne lisez pas votre texte et l'utilisation du prompteur ne remplace pas la spontanéité de celui qui s'exprime oralement.
O Racontez vos expériences, montrez vos performances autres que celles liées à un diplôme universitaire.