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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Cinq typologies de croyants inspirées par l'expérience d'un illusionniste/magicien

17 Septembre 2020, 10:53am

Publié par Henri Bacher

Cinq typologies de croyants inspirées par l'expérience d'un illusionniste/magicien

Benjamin Kraatz, alias Benji sur scène, a élaboré cinq typologies qui définissent ses spectateurs. Comme la foi chrétienne et l'illusionnisme font appel à la notion de mystère, dans le sens, «on ne comprend pas ce qui se passe». J'ai trouvé intéressant d'utiliser ces typologies pour cerner un peu l'attitude du chrétien en spiritualité.

Pour ne pas créer de malentendus, je voudrais juste définir le sens du mot «illusionniste» et «magicien» dans ce contexte d'article. Ce ne sont pas des personnes qui utilisent des techniques diaboliques. Qui ont des pouvoirs maléfiques. Ce sont des artistes de la scène qui connaissent très bien des techniques d'illusion, qui toutes peuvent s'expliquer logiquement et rationnellement. Un illusionniste  professionnel s'entraînera des heures et des jours pour maîtriser un bon numéro de «magie» qui au fond n'a rien à voir avec le magique. Il fait appel à des techniques qui font illusion. Il n'y a aucun pouvoir surnaturel ou paranormal.

Voici donc les cinq catégories de «spectateurs» que Benjamin Kraatz a repéré.

  1. Le spectateur enthousiaste

    1. Il vit trop fort l'expérience. Il accepte tout sans se poser de questions, il est trop emballé, il est trop impressionné... il sur-réagit.

  2. Le spectateur normal

    1. Il trouve sympa. Avant le spectacle, il parle tennis; après le spectacle, il parle «prochaines vacances»...

  3. Le spectateur amorphe

    1. Il n'est pas passionné, il n'est pas agressif. Tu peux faire les plus grands «miracles», cela ne le touche pas.

  4. Le spectateur hostile ou agressif.

    1. Il ne veut pas se faire «avoir», il veut te démonter, te casser, tout rejeter en bloc, et avoir raison.

  5. Le spectateur analyste

    1. Ni hostile, ni agressif, ni transporté, il analyse et dissèque; il veut savoir, simplement. 

Cette liste de catégorisation n'est pas issue d'une analyse scientifique. Elle est le reflet des expériences liées au travail de scène de l'illusioniste.

Comment appliquer ces typologies aux croyants?
La foi est largement liée à l'irrationnel. La Bible est truffée de récits qui font appel au merveilleux avec des apparitions d'ange, comme l'annonce faite à Marie ou au miracle comme Jésus qui marche sur l'eau. En tant que chrétiens, nous sommes constamment sollicités pour laisser tomber nos appréhensions, nos doutes vis-à-vis de ce qu'on ne comprend pas et de faire confiance au Saint-Esprit. 
L’illusionniste de scène fait appel aux mêmes facultés. Il aime le spectateur de la première catégorie, celui qui gobe tout sans chercher à démonter le montage technique derrière l'illusion. On demande, souvent, au chrétien de tout «gober» et on l'accuse parfois de manquer de foi, mais Dieu demande, aussi, d'avoir du discernement. Il souhaite que nous fassions jouer notre logique, notre intelligence. Ce n'est même pas une question d'équilibre: un peu de surnaturel mixé à une réflexion logique et si possible raisonnable, qui d'ailleurs annihile souvent l'élan de foi. C'est impossible à gérer. Il faut développer des outils pour jauger, pour apprécier, pour valider une expérience spirituelle. Et il y a un outil très simple que le Christ nous a donné: vérifiez ce qu'ils disent au travers de ce qu'ils vivent journellement, hors «scène». La grande difficulté, c'est que nos prêtres et pasteurs, mais aussi de simples chrétiens utilisent largement la «scène» ou la chaire, mais aussi le livre, les clips vidéo, pour nous parler de Dieu. Très souvent ils se comportent en illusionniste. Ils veulent faire croire sans qu'on puisse vérifier. J'ai assisté en France, il y a quelques années, à une conférence pour pasteurs où l'invité était un orateur qui, dans son ministère au Mexique, a ressuscité des morts. Et même dans les églises, qu'il avait fondées, on n'accédait au statut de conseiller que si on avait ressuscité un mort. Malheureusement, la réaction des participants était de l'ordre de la première typologie. Pensez-donc, un ministère comme ça en France! J'ai fait deux voyages au Mexique pendant plusieurs semaines et j'étais en contact avec des pasteurs et des organismes religieux, personne n'avait entendu parler de ce pasteur. Un peu étrange! Je suis convaincu que Dieu fait encore des résurrections, mais je pense aussi que notre frère était un très bon «illusionniste» qui a su utiliser les ficelles du métier d’illusionniste pour manipuler son public à son avantage. Derrière un bon prédicateur, un bon vidéaste, un bon écrivain, il y a toujours un travail de «scène» qui doit utiliser certaines «ficelles» pour communiquer.

Les deux typologies qui nous posent le plus de problèmes
La première, c'est celui du chrétien «normal». Il trouve que le culte, l'étude biblique, le clip vidéo sont super intéressants, mais il en sort et il discute de ses vacances. Il n'y a pas eu beaucoup d'impact sur sa vie. Il a juste passé un bon moment.
La deuxième attitude se réfère au chrétien «analyste». Il veut tout comprendre et il a de la peine à entrer dans l'irrationnel, à se laisser aller dans un espace qu'il peut difficilement contrôler avec ses pensées. Il se méfie des émotions et de la foi qui puisent ses ressources dans les «tripes», sans passer par le cerveau. Il est très méfiant face à l'utilisation des dons spirituels de 1 Corinthiens 12. Il n'hésite pas à montrer du doigt le chrétien de la première typologie. Par contre, il ne se gène pas d'utiliser les ficelles de la scène, pour faire passer ce qu'il croit. C'est un très bon orateur, parfois au détriment d'être un bon praticien hors scène et hors église.

Conclusion
Chaque typologie a ses avantages et ses inconvénients. Ce que le communicateur, l'artiste de «scène» doit savoir, c'est que s'il veut faire passer son message, il faut qu'il tienne compte de son public majoritaire. Si l’illusionniste professionnel veut aussi en même temps satisfaire le spectateur de la première catégorie et celui de la dernière, son spectacle va être un four. Aujourd'hui, notre public dans l'église, ce sont majoritairement des personnes éduquées par les techniques de la scène. La publicité est basée sur l'illusion. La politique devient manipulation par illusion interposée. En tant que pasteur, faut-il prendre le contrepied ? Mon conseil: plus tu utilises la «scène», plus il faut montrer dans la réalité de tous les jours ce que tu donnes à voir en scène. C'est cette réalité qui va conditionner ton message «scénique». Si tu incites ton spectateur, du dimanche matin, a «marcher sur l'eau», fais-le en semaine. Si tu n'y arrives pas c'est que ton message est une vraie illusion. 

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