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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Le “missionnel”, est-ce une nouvelle Réforme ou un simple relookage?

5 Juin 2019, 16:53pm

Publié par Henri Bacher

Aujourd’hui on parle beaucoup de “missionnel”, mais avant de se lancer dans ce mouvement, il faudrait retoquer certains concepts fondamentaux qui régissent le développement de nos communautés chrétiennes.

La notion d’homogénéité
Généralement on part du principe que nos églises sont assez homogènes, pour adapter une stratégie commune à un mouvement, une fédération. On n’hésite pas à faire des formations de leaders avec un programme uniforme qu’on estime fondamental et applicable par tout un chacun. C’est un héritage de la culture scolaire qui conçoit des programmes pour toute une nation. La crise de l’école avec ses ministres tutélaires, en France, en est un exemple évident. Pourquoi l’école a-t-elle continuellement besoin de se réformer, alors que la sphère liée au numérique prospère tout azimuth? J’ai un peu peur que le “missionnel” ressemble à une réforme à l’instar du système scolaire. Aujourd’hui, il n’y a plus d’homogénéité dans nos communautés et ce qui se passe c’est une migration inter-églises au lieu d’un développement sur l’extérieur. Comment être homogène alors qu’un pasteur réformé comme Olivier Keshavjee de la paroisse St François St Jacques à Lausanne veut promouvoir une spiritualité basée sur la culture du jeux, ou Stéphane Wyss, un leader de Campus pour Christ, qui parle de permaculture relationnelle et qui veut lancer des groupes chrétiens de jardiniers permaculturés. Comment rassembler des joueurs et des jardiniers dans un culte dominical?

On applique l’adage de l’école: tu es en classe pour apprendre. Ce n’est pas au maître de s’adapter, il faut que l’élève s’adapte à la classe. On reste toujours dans le même schéma d’apprentissage, même si on met les pupitres en cercles, que l’on utilise des clips vidéos ou que l’on fasse discuter les élèves.

La prédominance de l’enseignement pour développer la communauté
Une des parties la plus importante d’un culte, c’est l’explication en chaire du texte biblique. On n’imagine pas la suppression de celle-ci. D’ailleurs, dans nos communautés pour engager un pasteur, on le fait entre autre prêcher lors d’un culte. Imaginer un espace culturel sans chaire, même transparente, c’est comme imaginer un livre sans écriture.

Le pasteur s’attribue le don d’enseignement, mais en réalité, c’est le don d’être un bon instituteur spirituel et ce n’est pas forcément le don dont parle l’apôtre Paul. Il ne s’agit pas d’éliminer l’enseignement, mais de lui enlever le carcan qu’on lui a mis, comme le casque de Dark Vador. On est devant des chantiers immenses et je pense que si on restructure nos vieilles communautés, on va plus les tuer que les redynamiser. Michel Serres, l’académicien récemment décédé, disait de l’école que plus on la réforme, moins elle marche.
 

La simplification, outil de développement

Tous les réveils ont commencé par “nettoyer” les outils culturels qui ont véhiculé la spiritualité chrétienne. Les Calvin et les Luther ont éliminé une quantité impressionnante d’activités comme le pèlerinage, les lieux saints, les saints eux-mêmes, le signe de croix, les croix dans la campagne, les reliques, etc. Aujourd’hui, il faut prendre le même chemin de la restructuration de nos activités. Il faut apprendre à lancer des activités communautaires à côtés des anciennes, mais sous le même toit. En créant des ponts qui ne soient pas d’ordre liturgique ou musical. La nouvelle communauté ne doit pas être un clone de l’ancienne en étant plus missionnelle. Ça devrait être autre chose, comme le culte réformé à l’époque, qui n’avait plus grand chose à voir avec la messe catholique. Ce n’est pas en ajoutant des clips vidéos, de la danse pendant le culte, des éclairages de boîte de nuit qu’on va être plus “missionnel”. C’est comme si les Calvin avaient rajouté des Bibles à distribuer sur les chemins de pèlerinage. Et la simplification, c’est quitter la “synagogue” pour aller dans les “champs”, au bord du lac et sur le lac. C’est manger avec des prostitués, des ivrognes. Comment constituer un nouvel embryon communautaire du style “champêtre”? Exit la chaire en plexiglass! Exit la sono et l’éclairage! Revenir au fondamentaux: partager oralement la foi, témoigner, entraîner le pas-encore-chrétien dans des expériences comme la multiplication des pains, les guérisons miraculeuses, les rencontres au bord d’un puits à parler théologie. Dans la pratique de nos communautés actuelles, c’est peut-être juste manger ensemble, discerner les besoins en prières, conseiller quelqu'un le verre à la main. Pour être enseigné aujourd’hui, il y a moult possibilités sur le net, bien souvent plus performant que la prédication dominicale. Il faudra juste donner les liens adéquats. L’idée de base, à long terme, c’est de reconstruire une nouvelle manière de célébrer des cultes qui prennent en compte les options de simplicité et d’adaptation culturelle.
 

L’avenir des communautés

Nous sommes dans un société qui se tribalise et il serait intéressant de développer des communautés adaptées à certaines “tribus” ou segment de la société, alors que traditionnellement on ne démord pas du fait que l’église doit se vivre avec tous les âges, et avec toutes les composantes culturelles et sociologiques. Pourquoi ne pas développer des communautés “Kids friendly”, “Joueurs friendly”, “Jardiniers-friendly”, “Congé-friendly” (il y a de plus en plus de gens qui travaillent le dimanche), “Mono-chrétien friendly” (l’un des conjoints n’est pas chrétien et veut partir en week-end, à partir du vendredi soir), etc.

Et faudra réinventer de nouvelles manières de créer des liens entre ces différentes tribus.

Henri Bacher
youtube.com/bibletube

 

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