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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

L’écran ne fait pas le moine numérique

8 Avril 2014, 16:27pm

Publié par Henri Bacher

L’auteur a la vilaine manie de s’attaquer aux théologiens. Chez lui, c’est récurrent. Bien sûr, on le comprend, avec un niveau de bac-2, il ne fait pas le poids dans les questions de réflexion. De plus, c’est plutôt un artiste et bien qu’il ait son rôle à jouer dans l’église, il devrait se soumettre au théologien. Malheureusement, il est d’un autre avis!

Aujourd’hui, la théologie reste une excellente discipline, à condition qu’elle se pratique hors du système scolaire Lorsque je travaillais encore en entreprise, j’avais un chef qui était un excellent restructurateur. Il était vraiment doué pour faire de l’ordre, pour éliminer les choses superflues, inutiles, obsolètes.

Et notre service en avait bien besoin. Le hic, c’est que ses supérieurs l’ont laissé en place sa mission terminée. Il a donc continué dans sa logique de départ. Un peu comme le jardinier qui, sécateur au poing, passe son temps à tailler ses plantes tout au long de l’année. Ce qui est bon au départ, devient au fil du temps un boulet et une contre performance.

Ainsi en est-il de la théologie. Dans le passé, c’était une excellente chose que de questionner nos concepts théologiques hérités de la Réforme. Les réveillés du XIXème siècle l’ont fait et nos milieux évangéliques se sont rehaussés dans le domaine de la formation, au fil du temps, au niveau des facultés de théologies réformées. Leurs facultés et autres instituts sont devenus aussi doctes que leur confrères réformés, sinon plus. Et voilà qu’on se retrouve dans la situation de mon chef de service. Ils continuent dans la logique de leurs débuts et ils deviennent inopérants pour faire avancer le Royaume de Dieu.

Pourquoi Jésus est-il venu proposer aux pharisiens de son époque une autre manière de voir les choses spirituelles? C’est assez simple. Avec l’accumulation des lois religieuses, plus de 600, le système de pensée des prêtres de l’époque tournait dans le vide, surtout dans un contexte de perte de liberté politique. Ces lois n’avaient plus grand chose à dire dans un pays conquis par les romains qui avaient d’autres systèmes religieux. Un peu comme nous aujourd’hui, face à la montée du numérique, de la mondialisation et des mélanges religieux.

Se frotter à d’autres réalités
Nos formateurs de pasteurs sont convaincus qu’il faut être encore plus pointus dans l’enseignement qu’auparavant. Tous ces enseignants rêvent de faire des doctorats pour mieux servir l’église. Je crois que l’église aura toujours besoin d’un certain nombre de personnes qui se spécialisent dans certains domaines théologiques, mais j’ai l’impression qu’on veut entraîner toutes nos églises dans cette professionnalisation à outrance. On pousse la logique de départ dans les extrêmes. On fait comme mon chef de service et on finit par lasser notre public qui ne veut pas nous suivre dans cette sophistication de la foi.

Faut-il donc arrêter de penser, de réfléchir, d’analyser, de structurer? Surtout pas! Mon chef de service aurait dû être déplacé lorsqu’il avait fini son boulot de restructuration. Pour se frotter à d’autres réalités.

Le bateau numérique
Ce que je demande au théologien évangélique, c’est de laisser tomber sa logique héritée du système scolaire basé sur l’écriture et la lecture. C’est de réfléchir dans d’autres contextes avec d’autres critères et surtout en collaboration avec d’autres intervenants de la culture. Aujourd’hui un théologien ne devrait pas réfléchir pour que les moteurs de la culture et du spirituel comme les créatifs trouvent leur chemin, mais il devrait réfléchir sous la supervision du créatif. Par créatif, je pense à tous ces producteurs, ces promoteurs, ces diffuseurs qui n’utilisent plus l’écriture et le livre pour communiquer l’évangile. Mais dont l’histoire, les images, les émotions, le numérique est le centre de gravité. Le théologien, comme mon chef de l’époque, devrait être transféré pour réfléchir, non pas dans une nouvelle école, mais dans un studio de télé, dans une boîte spécialisée dans des jeux vidéos, dans des entreprises comme Google et autres. Jésus a quitté les rouleaux de papyrus pour se promener et enseigner au bord du lac à partir d’un bateau. Aujourd’hui le théologien classique n’est pas dupe et il comprend que les temps changent. Il pense pouvoir créer son propre “bateau numérique” dans son école, mais il continue à fonctionner comme par le passé.

Ses polycops, il les recycle en powerpoints alors qu’il s’adresse à des gens qui n’aiment plus lire. En Suisse, par exemple, selon des statistiques officielles, il y a une personne sur six qui est un illettré fonctionnel. Les gens veulent voir des miracles et on leur offre des papyrus à “mâcher”. Les gens veulent trouver un sens à leur vie dans un pays occupé par des étrangers ou plutôt envahis par des religions étrangères et on se contente de rajouter quelques lois aux quelques 600 en vigueur. Bien sûr, comme on veut être à la page, on a demandé à un illustrateur d’agrémenter leur propos avec des images. On a même installé un écran sur le bateau, mais l’écran ne fait pas le moine numérique.

Henri Bacher

L’écran ne fait pas le moine numérique

Certains théologiens passent leur temps à labourer, à réfléchir, à décortiquer, à trier la semence, sans jamais semer.

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