Eglise et internet: bilan
Où en est-on dans nos activités internet? Comment évoluer dans cet univers si étranger à notre culture ecclésiastique? Avons-nous progressé? Et quelles sont les perspectives actuelles? Autant de questions qui sont importantes pour communiquer aujourd’hui.
Une constatation Nos églises et organisations ont bien intégré l’e-mail. C’est un peu rude comme constatation, car le courrier électronique c’est comme les dinosaures par rapport à l’évolution de l’espèce animale. Une newsletter ce n’est qu’un e-mail amélioré. On reste toujours dans le texte et dans l’écrit pour communiquer, sans se rendre compte que l’environnement technologique évolue à une vitesse grand V. Nous ne sommes pas les seuls à avoir de la peine. Les entreprises sont souvent prises dans les mêmes tourments, mêmes celles qui ont commencé dans l’électronique. Nokia, le constructeur de téléphones a été pendant plus de 14 ans le leader mondial de la téléphonie mobile. Il était également le plus riche dans ce domaine. Actuellement, il s’est fait racheter par un mastodonte plus puissant, simplement parce qu’il n’a pas réussi à adapter rapidement sa technologie à la montée des smartphones et des tablettes comme l’Iphone et l’Ipad d’Apple ou la gamme des Galaxy de Samsung. Ce qui me fait dire que ce n’est pas une position dominante, ni un capital important qui font qu’on est à la pointe. On nous dit volontiers, dans nos églises, qu’il faut beaucoup d’argent pour se mesurer au monde. C’est faux! Il faut des gens qui ont du talent, des idées et surtout qui voient loin.
Quelle est la mentalité à développer pour le futur? Nous sommes desservis par la civilisation du livre qui amoncelait les écrits dans des bibliothèques, en tablant que ceux-ci resteraient sur les étagères pendant des décennies voire des siècles. En matière d’internet, il faut se rendre compte que les technologies et les supports évoluent tellement vite, que nous sommes en face d’une culture Kleenex. On consulte et puis on jette. Nos églises investissent dans les médias comme si leurs productions devaient rester ad eternum. Ce que vous dites aujourd’hui est déjà obsolète demain. Ce qui m’amène a une première recommandation: produisez "Kleenex" au lieu de faire des mouchoirs brodées. Les entreprises qui vous conseillent pour la réalisation de productions numériques ont tout intérêt à pousser votre budget, c’est leur gagne-pain. Ne les écoutez pas forcément. Vérifiez également le retour sur “investissement”. Combien de personnes ont rejoint votre église ou mouvement parce qu’elles ont été touchées par des écrits sur internet? Loin de moi de dire qu’il ne faut pas investir et qu’il ne faut pas faire de belles choses. Je voulais juste mettre le doigt sur le fait qu’il ne faut pas se faire d’illusions. Lorsqu'on vous annonce un nombre impressionnant de clics, dites-vous que ce ne sont que des internautes qui ont passé devant votre "vitrine" et qui y ont jeté un coup d'oeil. Mais peu d'entre-eux sont entrés dans votre espace pour "acheter". C’est un peu comme les touristes qui visitent par millions les cathédrales de nos grandes villes. Peu se tournent vers Dieu. Ce n’est pas parce que votre site est beau, esthétique, techniquement à la pointe, que les internautes vont adhérer à votre message. Regardez le Créateur himself. Sa création est somptueuse et pourtant les gens ne se bousculent pas aux portes des églises.
Autre difficulté: dans la communication numérique nous naviguons sur des espaces marchands. Ce qui n’était pas vraiment le cas pour le livre. Même s’il y avait une activité commerciale liée à sa diffusion. La culture générée par les livres, l’école et l’université ne se profilait pas comme une activité pour faire du fric. Nos sites web peuvent très vite être happés par l’aspirateur marchand. Regardez le nombre de sites chrétiens qui ont des boutiques commerciales pour diffuser leurs produits. Bien sûr, c’est le terme que le consommateur que nous sommes connaît, mais c’est aussi symptomatique. Imaginez les disciples contemporains du Christ, qui pour chaque manifestation, ouvrent un stand “boutique” pour vendre des pendentifs en forme de pain, des cartes postales (gravées sur marbre) ou que sais-je encore pour financer leurs déplacements et leur hébergement. Cocasse, non?
La performance remplace la Vérité Dans le passé, pas si lointain que ça, nous nous battions pour des questions de Vérité. Il y avait ceux qui la possédaient et les autres qui n’avaient que des vérités frelatées. Aujourd’hui, c’est révolu et la notion de performance prend le relais pour mesurer la spiritualité. Nous avons rivé les yeux sur les compteurs de tout poil pour mesurer notre audience. Tiens, vous n’êtes qu’un groupe de 12 personnes à se réunir pour un culte! Sûrement pas aussi spirituel que cette mégachurch à la française qui rassemble plusieurs milliers de personnes, si on compte tous ceux qui se branchent via le web pour suivre le culte online. Nous courrons à l’audience et celle-ci n’est pas toujours le reflet de notre engagement vis-à-vis de Dieu. Derrière la plupart des succès, il y a beaucoup de savoir faire dans le domaine de la communication et du marketing. Ce n’est pas une tare, ni un péché que de se servir de ces outils. J’admire les hommes et les femmes qui savent rejoindre le public d’aujourd’hui avec pertinence et talent. Mais ce n’est pas toujours le nombre qui est synonyme d’authenticité et de fidélité. Il faut se méfier de la foule et Jésus nous le montre bien lorsqu’il quitte précipitamment son “audience” après le miracle de la multiplication des pains. Nous devons être attentifs aux petits, aux sans-grade, à ceux qui n’ont justement pas d’audience. Nous donnons, financièrement parlant, plus volontiers à des personnes qui ont déjà largement profité de la manne des églises et nous négligeons ceux qui en auraient justement besoin pour sortir de l’ombre. Sachons regarder les petites choses qui se dévelloppent sur le net et non les grosses “vitrines” scintillantes qui pompent les ressources disponibles.
Une théologie désuète pour des tablettes tactiles, pilotées par la voix L’évolution des supports de communication nous montre comment le futur se dessine devant nos yeux. Ces engins bourrés d’électronique nous font dévier dans une culture orale. Ils utilisent de plus en plus le toucher, la vue et la voix. On y fait des dessins, on y regarde des clips vidéos et on indique à l’appareil ce qu’il doit faire en lui parlant comme à un vis-à-vis. Nous ne pouvons pas recycler nos théologies du passé pour les adapter au toucher, à l’oeil ou à la voix. C’est un autre mode de fonctionnement et une autre manière d’appréhender la réalité. Nous entrons dans l’oralité électronique. Nous devons élaborer des théologies qui partent de l’oralité et non plus de la culture du livre et de l’écrit. Les réformateurs ont assis leurs disciples sur les bancs de l’église pour “penser” Dieu. Ils étaient saturés de gestes, d’activités physiques comme les pélerinages, d’émotions, de sensibleries. Ils voulaient se “poser”. Aujourd’hui nous sommes saturés par les “pensées” et systèmes théologiques. Ça devient vraiment compliqué de croire! Nous voulons à nouveau toucher, parler, voir la spiritualité. Théologien ne fait pas “tablette” rase de ma demande. Il y va de ta pertinence théologique dans ce monde.
Nos productions qui tentent d'être en phase avec l’oralité électronique:
www.youtube.com/bibletube www.youtube.com/bibletubeenfant
Henri Bacher