Comparaison de deux pasteurs (homme et femme) qui s'expriment sur TiKTok
Nous vous proposons d'analyser deux personnes qui prêchent sur TikTok. Elles représentent aussi les deux cultures qui s'entrechoquent aujourd'hui, celle liée à l'écrit et à la lecture et la nouvelle qui travaille avec le « carburant » émotion. D'emblée, nous n'allons pas évaluer l'aspect théologique. L'un et l'autre, sont très proches de l'évangélisme classique.
Nous mettons plutôt l'accent sur les outils culturels utilisés tout en sachant que l'outil va aussi influencer la théologie.
Commençons par Walter Zanzen,
pasteur retraité de l'Église du Réveil.
Il est pour moi, le parfait représentant du pasteur issu de la culture générée par l'école et, en plus, il est talentueux comme orateur. Regardez d'abord son clip et faites-vous une opinion avant de lire la mienne.
L'aspect scénique
Il est parfaitement conçu, paramétré pour la culture de l'enseignant en chaire: sobre et monocolore. L'arrière-plan ne distrait pas le spectateur. Il met en valeur le prédicateur. Même par son habit. D'ailleurs, il est toujours habillé en blanc dans tous ses clips. Il se donne une signature visuelle. Cette signature, chez les protestants réformés, est un habit en robe noire à rabat blanc, chez les cathos, avec un peu de dentelles et plus de couleur.
Son style oratoire
Walter Zanzen va surtout se mettre au service du texte biblique qu'il va expliquer comme un maître d'école: précision, clarté, chaque mot est choisi. Il est sobre dans sa formulation. Son message est linéaire. Il « martèle ses convictions. C'est un forgeron du message. Ce n'est pas un « cuisinier » de celui-ci qui va mettre l'accent sur la présentation, les couleurs des mets, l'odeur, le goût. Pour convaincre, il persuade son auditoire par l'affirmation. Il ne tergiverse pas. En caricaturant, on pourrait dire que c'est une construction « blanc-noir ». Un peu comme l'instituteur qui montre deux lignes parallèles qui restent toujours parallèles. Il ne prendra pas en compte que ces lignes, qui se prolongent dans l'infini, ne restent pas parallèles. Mais, faut-il absolument être tellement subtil pour permettre que nos spectateurs trouvent le chemin?
Son attitude corporelle
La chaire du pasteur protestant était si étroite qu'il ne pouvait pas s'y « promener ». Walter Zanzen se fait filmer et il reste assis. Il utilise surtout les mouvements de la tête et ses mains.
Sa voix
Il a une voix radiophonique. Hyper important pour la communication filmée.
La longueur du clip
Elle correspond bien au formatage temporel demandé par les réseaux sociaux, mais en même temps, il limite drastiquement l'impact didactique. Ça reste un peu comme le mot dans la phrase. En utilisant le langage dicté par l'écrit, le mot ne donne pas encore la phrase. En fait, il s'adresse à des personnes qui connaissent déjà, en partie, le thème de base de la Porte. Il ne fait que le leur rappeler.
Son langage
Il puise dans un vocabulaire et des images que son public connaît déjà, mais il ne se rend pas compte que sur les réseaux sociaux les gens sont incultes, ignares du vocabulaire chrétien. Dans ses clips, il utilise largement le nom de Seigneur pour parler de Dieu. Dans la tête du païen qui l'écoute, celui-ci va assimiler ce nom au Seigneur du Moyen-Âge, au film du Seigneur des anneaux, aux seigneurs de la guerre.
Passons au deuxième clip, avec une dame dont le nom n'apparaît pas en entête du clip comme pour Walter Zanzen
Elle utilise la chaîne soit de son pasteur ou peut-être de son mari: tsanga8. C'est très symptomatique. Elle se trouve sur un réseau social et probablement dans une communauté dont le principe d'appartenance est basé sur le fait de suivre une personne: on devient « follower ». Dans la culture du livre, le nom de l'auteur est souvent aussi important que le contenu de celui-ci. Il est connu pour ce qu'il a écrit. Dans la culture des réseaux, on suit des « images » de personnalités. Un peu comme les saints du Moyen-Âge. Je ne connais pas cette personne, mais je me suis intéressé à son clip, avant tout, par les images d'elle-même qu'elle projette. Pas en premier pour le thème.
Cette image de personnalité fonctionne en « stand alone »
Elle se compose de charme. Il faut entrer un tant soit peu dans les canons de beauté imposés par les réseaux sociaux: être jolie fille ou garçon séducteur.
L'acteur contre l'instituteur spirituel
Cette dame, puisque je ne connais pas son nom, est une excellente actrice. Elle joue son message. Ses effets de manches sont liés au clignement des yeux, aux mimiques de son visage, à la mobilité de tout son corps. Vous la mettez derrière un pupitre/chaire même transparent, vous lui couper une bonne partie de sa prestation, parce que le corps n'est pas simplement un « emballage ». On parle bien de langage corporel. Certains mouvements d'une main en disent bien plus que certaines phrases verbales. Le corps a aussi besoin de se mouvoir dans un espace. Son espace scénique n'est pas conçu pour la mettre en valeur. Elle donne l'impression de voyager parmi les gens, comme le Christ s'est promené parmi son peuple. Le nouveau communicateur spirituel, on ne l'appelle plus orateur, se donne même parfois la peine de descendre de l'estrade et de tendre le micro aux participants. Chez certains humoristes, je pense à un Gad Elmaleh, ils vous passionnent pour des bricoles de vie dont on pourrait dire que ce sont des histoires « à la con » et ils en font, grâce à leur jeu d'acteur, une tragédie. Le principe même du jeu d'acteur, c'est de caricaturer le propos ou la situation du moment. J'emploie le terme de caricaturer pour parler d'amplification. Le professeur spirituel va « intensifier » son discours par une avalanche d'arguments logiques, rationnels, qu'on ne peut pas contester ni contrôler sur le moment. Le pasteur-acteur va essayer d'entraîner son public, par ce qu'il fait ressentir: viens avec moi, on va conquérir le « Capitol » spirituel, là ou habite le diable.
Petit conseil
Si au départ tu n'as pas le talent d'orateur d'un Walther Zanzen ou les talents d'actrice de notre dame réseauteuse, laisse tomber la prédication. Confie-là à des plus talentueux, quitte à les coacher en arrière-plan. Par contre, si tu as, un tant soit peu, un talent, comme celui qui chante juste et qui a l'oreille musicale et qui se forme comme musicien, prends des cours d'acteur.
L'illusion:
Danger important pour le message chrétien
Il faut partir du principe que tout message, toute communication, comme pour la publicité, comporte une part d'illusion, comme le montre le clip ci-dessous. Lorsqu'on insiste sur le fait que si on retourne régulièrement au culte le dimanche matin, on résout tous nos problèmes, c'est une sorte d'illusion qu'on fabrique. Là, où on est le moins dans le danger de l'illusion, c'est lorsqu'on voit vivre le prédicateur, dans sa famille, dans son immeuble, participant à un match de foot où nos voisins nous voient jouer avec fair-play. Le prédicateur en chaire, surtout celui sur les réseaux sociaux, peut facilement utiliser le maniement du « chiffon » du clip ci-dessous.