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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Construire sa communauté en sachant faire cohabiter les "rêveurs", les "visionnaires" et les organisateurs

10 Juin 2014, 13:23pm

Publié par Henri Bacher

En temps que responsable on ne sait pas toujours comment il faut développer sa communauté. Faut-il plutôt mettre en avant les personnes créatives, les "rêveurs" et laisser en arrière-plan les organisateurs, les planificateurs ou bien est-ce le contraire? Parfois, le pasteur lui-même est plus visionnaire que gestionnaire ou bien il préfère organiser et structurer le présent que se projeter dans un futur incertain. En donnant la prééminence à l'une ou l'autre des options, vous allez produire des résultats très différents. Il ne s'agit pas non plus de couper la poire en deux: un zeste de rêve avec un brin d'organisation et le tour est joué! Ce n'est pas aussi simple que ça. L'église est un organisme vivant qui ne se régit pas avec des organigrammes, des plans de travail ou un programme, même s'ils sont importants. Il faut construire une systémique, un système d'interdépendance pour faire progresser la communauté.

Construire sa communauté en sachant faire cohabiter les "rêveurs", les "visionnaires" et les organisateurs

Un pasteur doit savoir organiser et manager sa communauté 
Son travail commence par là: fonder, organiser, sécuriser, asseoir (1), puis restructurer, animer, diriger (2), puis "visionner", faire rêver, développer des convictions fondamentales, chercher les mandats que Dieu a pour le groupe, comprendre la volonté de Dieu, laisser une part importante à l'action du St Esprit par des voies surnaturelles (visions, prophéties, parole de sagesse, etc.)(3). Il devra surtout apprendre à connecter les différentes phases et activités de développement entre elles(4). Dans toute construction communautaire, le carré de sécurité (1) est essentiel. On pourrait aussi le nommer "carré de l'acquis". C'est la base même du fonctionnement d'une église. Dans cet espace se retrouve ce que l'église a expérimenté, rôdé et qu'elle maîtrise parfaitement. Ça concerne autant sa théologie, son ecclésiologie, ses rituels et habitudes, son chantoir, ses techniques de travail. Cet espace donne la préférence à la consolidation et à la structuration et engendre la stabilité. Les gens qui sont actifs dans ce "carré" de sécurité sont des conservateurs, ils conservent coûte que coûte l'acquis. Ce n'est pas à négliger et cet espace est extrêmement important lors de coups durs. On peut refluer sur des choses qu'on connaît et qu'on maîtrise pour mieux rebondir. Seulement, ce ne sont pas ces gens qui vont développer la communauté. Et ils sont extrêmement allergiques à toute forme d'évolution. Ce sont des personnes qui s'appuient sur des doctrines rodées. Ils prient pour connaître la volonté de Dieu et ils attendent que Dieu leur montre le chemin exclusivement par un texte biblique lu ou commenté ou parfois par le conseil sage d'un frère ou d'une sœur. Ce sont des personnes qui scrutent, qui analysent les situations avant de prendre une décision. On pourrait comparer les protagonistes du carré de sécurité aux racines et au tronc d'un arbre. Le carré du management (2) est le terrain de prédilection des activistes. Ils aiment bouger, ils sont dynamiques. Il faut que ça avance. Ce sont des pragmatiques, des gestionnaires. Ils organisent l'avancée de la "caravane". Ce ne sont pas des "théologiens" dans l'âme. Ils prennent la vie à bras le corps et ne s'emberlificote pas de considérations spirituo-sentimentales. Confiez-leur la construction du bâtiment de votre église. Ils feront merveille. Ils aiment travailler en commission. Ils élaborent des organigrammes. Ils font des projections financières, ils ont des projets concrets, mesurables, palpables. Ils dédaignent s'engager sur du terrain mouvant. Pour comprendre la volonté de Dieu, ils font plus confiance aux circonstances qu'aux convictions. Pour prendre une décision, il faut que les indications leur paraissent logiques, concrètes. Dans une communauté ils représentent les "feuilles" de l'arbre. Le carré du rêve (3) concerne les gens et les activités plus portés sur l'émotion. Ce sont des visionnaires. Ils voient loin, ils voient derrière les choses. Ce sont des "charismatiques", ils utilisent volontiers les dons de l'Esprit pour faire avancer la communauté. Ils parlent de conviction, d'expériences, de direction spirituelle. Ils prient pour connaître la volonté de Dieu et si possible, ils attendent que Dieu leur répondent avec une vision, une prophétie. Ils aiment la Bible, mais une parole de sagesse leur semble supérieure ou plus directe. Ce sont des personnes qui saisissent très souvent les situations au quart de tour. Ce sont des méditatifs. Il faut que Dieu leur "révèle" les choses avant de prendre une décision. Ce sont les "fleurs" dans le système communautaire.

Les axes de développement
En général, c'est l'un des axes de développement qui se renforce. Soit celui en direction de (A), soit celui en direction de (B). Ce sont des tendances fondamentales où je dirais des pentes naturelles. A) On pense développer la communauté par l'administration. On dirige, on planifie, on forme, on nomme des chefs de projets (en ecclésiologie des dicastères), on développe et on applique des techniques de communication. La gestion des biens et des personnes est au centre de leur préoccupation. On donne la préférence aux objectifs mesurables, quantifiables. Ce sont des personnes qui définissent des objectifs précis (dans cinq ans l'église devra avoir ...). Lorsqu'on pousse à fond cette tendance, le résultat est souvent un activisme effréné, énormément de stress et de froideur. Ce genre de développement génère beaucoup de flux, c'est un peu la pseudo-vie, à l'image des feuilles de l'arbre. Elles génèrent la croissance (en structure), mais ne produisent pas de fruits
B) On part de l'acquis de la sécurité pour promouvoir la vision. On privilégie dans ce cas l'émergence des idées nouvelles. On est convaincu que le développement passe par la nouveauté et si possible par l'originalité. On n'a pas froid aux yeux pour expérimenter de nouvelles sensations. L'expérimentation est parfois une fin en soi et on arrive difficilement à transformer l'élan de fond en réalisations concrètes. Le résultat, c'est souvent beaucoup de chaleur qui risque de se transformer en fournaise pour les gens qui ne suivent pas. Il y a beaucoup de speudo-résultats qui tombent rapidement lorsque l'environnement n'est plus favorable. C'est comme les fleurs, beau à voir, odorant, esthétique, mais là aussi ce n'est pas encore la production de fruits.

Le rôle du pasteur ou des responsables principaux
Malheur au pasteur et à ses conseillers ou anciens qui enfourchent soit la ligne en (A), soit la ligne en (B). Le pasteur devrait jouer le rôle de connecteur, de constructeur (4) et développer la ligne en (C). C'est cet axe de travail qui va produire les fruits. Surtout si l'église à déjà une certaine ancienneté. Il devra mettre au point une pensée systémique et non une pensée qui privilégie la systématique. L'arbre est un exemple parfait de systémique. Il commence sa croissance par les racines et le tronc en utilisant l'apport des feuilles. Les fleurs ne viennent que par la suite, ainsi que les fruits. Aucune des fonctions n'est autonome et chacune est le moteur de l'autre. On ne peut non plus intervertir simplement les fonctions. Il est donc important de développer un "système" de croissance en sachant que l'organisation de base et le management ne sont que des tremplins pour les fleurs et les fruits. Il y aussi des cycles à respecter. 
Pratique Un pasteur doit savoir organiser et manager sa communauté. Son travail commence par là: fonder, organiser, sécuriser, asseoir, (1), puis restructurer, animer, diriger (2), puis "visionner", faire rêver, développer des convictions fondamentales, chercher les mandats que Dieu a pour le groupe, comprendre la volonté de Dieu, laisser une part importante à l'action du St Esprit par des voies surnaturelles (visions, prophéties, parole de sagesse, etc.)(3). Ça ne veut pas dire que le St Esprit est absent dans les phases (1) et (2), mais son action sera beaucoup plus logique, plus rationnelle. Finalement le pasteur devra surtout discerner les temps importants de la croissance de sa communauté. Faudra-t-il, pendant une année, par exemple, revoir les fondations (1) ou bien est-ce le temps de la floraison (3)? Il devra surtout apprendre à connecter les différentes phases et activités de développement entre elles (4).

Comment évaluer le résultat?
C'est aux fruits que vous reconnaîtrez ... (Matthieu 7:16) Le fruit ce n'est pas le nombre de membres d'une communauté, ce n'est pas la qualité de l'organisation ou du management, ce n'est pas le nombre des visions et autres prophéties, c'est la mise en pratique de la Parole de Dieu. Vous voulez mesurez vos performances? Regardez comment vos paroissiens mettent en pratique l'évangile, mais faites la mesure le lundi matin à 9:00 au lieu de travail et non le dimanche matin au culte! Note: il est clair que dans cette optique de travail, le rôle principal est donné au pasteur. Dans d’autres types de communautés, qui pratiquent un travail collégial sur la base des ministères décrits dans Ephésiens 4 :11, l’apôtre aurait le rôle du rassembleur (4), le prophète celui de visionnaire (3), l’évangéliste celui de développeur, de manageur (2). Le pasteur serait celui qui prend soin de l’ensemble, sous l’angle des relations, du conseil et le docteur veillerait que chacun grandisse dans la saine doctrine (1).

Henri Bacher

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