Comment créer de la «biodiversité spirituelle» dans une communauté classique?
La culture expansive de l'écrit et du système scolaire, malgré son impact très positif sur la vie de toute personne vivant, dans l'occident dit chrétien, a aussi appauvri, pour nous, l'expérience spirituelle. Nous n'avons jamais mis en doute les effets produits par l'électricité et la «mécanisation» de la production littéraire. Le levier technologique de l'imprimerie a peut-être fait autant de tort que la mécanisation de l'agriculture, avec l'extension des grandes surfaces agricoles qui éliminent la biodiversité et «assoiffent» les nappes phréatiques. Ce qui a permis que certains auteurs ont pu se constituer de grands espaces de pensée relayés par des bouquins. Peut-on réintroduire de la diversité spirituelle dans ces grands espaces, sans toucher au principe de la grande surface?
Cet extrait, ci-dessous, provient d'un article publié par le figaro.fr Il me servira d'illustration pour mon thème
Sur la parcelle d'Anaïs Vallot, où poussent grenache et syrah sur une vingtaine d'hectares de coteaux, d'imposants chênes encerclent les vignes et ombragent les premiers pieds, apportant «un peu de souffle» en pleine vague de chaleur estivale. «Du temps de mon grand-père Claude, il y a eu une vraie volonté de faire cohabiter la vigne et la forêt, et l'avenir a montré que Vinsobres a fait le bon choix», assure la vigneronne de 37 ans. Ce vignoble de la Vallée du Rhône, dominé par la silhouette du Mont Ventoux, possède près d'un hectare de bois pour un hectare de vignes classées cru des Côtes-du-Rhône, qui composent un «patchwork» d'îlots aux différentes nuances de vert, contrastant avec les vastes étendues de certaines régions viticoles. Les pins, les chênes et les haies qui entourent les vignes «tempèrent les excès du climat»: ils peuvent couper le vent, limiter le gel et «apportent une certaine fraîcheur quand il fait très chaud», comme un parasol, explique Cédric Guillaume-Corbin, «paysan-vigneron» d'un autre domaine, La Péquélette. «La proximité d'une bordure boisée a un impact sur les champs jusqu'à 100 mètres de distance», en termes de biodiversité, de vie du sol ou de température, ajoute-t-il, un atout considérable sur un territoire qui souffre de canicules à répétition.
Ma thèse de départ
L'écologie nous apprend à penser en inter réaction. Toute action doit être pensé dans son contexte et des réactions qu'elle suscite autour d'elle. On ne s'est jamais posée la question du déséquilibre produit par la surexploitation de la culture de l'école, basée surtout sur l'écrit et la lecture. Ne pourrait-on pas la comparer à l'extension de ces grandes surfaces agricoles? Elles sont mécanisées, elles utilisent massivement des pesticides, de l'engrais, de l'eau qu'elles doivent pomper dans la nappe phréatique pour produire toujours plus. La culture de l'école a basculé avec l'électricité. Elle a pu produire massivement des livres. Aujourd'hui n'importe qui peut écrire. Ce n'est plus un luxe de publier un livre.
Toute culture est hégémonique et se croit supérieure pour expliciter le monde
Un peu comme l'agriculture expansive qui pense pouvoir nourrir pleinement tout son monde tout en éliminant une biodiversité qui est faite pour assurer un avenir à la nature. Les écrivains et les penseurs de l'écrit ont cru qu'ils pouvaient «ensemencer» l'esprit des gens. Les transformer par les seuls textes. Ils ne se sont pas rendu compte qu'ils participaient aussi à un formatage intellectuel et spirituel qui handicape la production de richesses pour assurer l'avenir de l'expérience avec Dieu. On s'autodétruit à petit feu.
Toute culture, dès qu'elle devient expansive produit aussi de l'appauvrissement
En agriculture, il n'y a plus besoin de prouver la destruction occasionnée par ces grandes surfaces. Sommes-nous conscients que ces grands mouvements comme la tendance «Gospel Coalition» ou celle du charismatisme accélère la déchristianisation, par exemple de l'Europe?
Que peuvent nous apprendre ces vignerons du côté de Vinsobres?
C'est la notion d'apprendre à mélanger, à juxtaposer des plantes différentes qui vont participer ensemble à la protection mutuelle, à l'avenir, au maintien des équilibres. La culture de l'écrit nous a appris à diviser la réalité pour mieux la maîtriser. Surtout à éliminer ce qui semble contraire, comme le fait qu'un chêne, une haie, un pin, des haies n'ont rien de commun avec la vigne. La purification spirituelle, à coup de «désherbants», soi-disant sains et véridiques, on l'a appliquée, non aux comportements éthiques, mais à la manière de penser la foi. On a surtout décrété que l'émotion dans le domaine spirituel était plutôt facteur de nuisances. Je donne un exemple concret. J'ai fait une formation théologique, il y a fort longtemps, dans un institut très marqué par une spiritualité froide et intellectuelle. Dans cette école on a interdit à des charismatiques de se réunir sur le campus pour prier. Il y avait, biens sûr, un «espace» de prières, dûment labellisé du bon «format» (donc bien désherbé) pour répondre au besoin de prière. Or, il faut aussi apprendre à vivre avec des contradictions, des points de vue différents, des gestions différentes de la spiritualité.
Quelles sont ces «plantes» différentes dans l'église?
Il faut éviter de partir de cette notion mentionnée plus haut: le comportement hégémonique. Nous on sait! Nous on a la meilleure doctrine. Nous on est des charismatiques estampillés. Il faut partir d'une grande dose d'humilité et le «chêne» pourrait mépriser la «vigne». La grande faiblesse de la culture de l'écrit, c'est qu'elle ne sait pas gérer les émotions qu'elle a strictement cantonné dans la musique. La prédication n'est pas «émotionnelle». Sait-on développer une spiritualité qu'on «ressent» avant de la penser? Prenons-nous en compte l'intelligence émotionnelle qui a peu à voir avec le toc toc sous la bretelle? Le danger, c'est de se retrouver comme un gland, à «glander», bien à l'ombre, tout en éliminant la vigne, qui est aussi source de bonheur. C'est vrai, elle est plus fragile, le pin et le chêne poussent tout seul.
Comment pratiquer cette «juxtaposition»?
Comme ces vignerons, il faut comprendre comment et où «planter» ces arbres qui vont faire ombrage? Généralement, le premier réflexe qu'on a, c'est qu'ils font de l'ombre pour nuire et non pour protéger. Le charismatique a besoin de grand air, d'espace pour respirer. Il tolère le chêne à condition qu'il reste à 100 m de distance. Le drame c'est qu'on a constitué que des communauté «chênes» ou des communautés «vignes» et nous sommes à la merci du changement climatique, que j'appelle changement culturel. On passe de la culture de l'écrit à celle du numérique. Le salut ne vient ni de l'une, ni de l'autre, mais de l'apprentissage du vivre ensemble.
Comment mettre en place ce «patchwork» d'îlots aux différentes nuances de vert, contrastant avec les vastes étendues de certaines régions viticoles?
Ces vignerons de Vinsobres pensent «territoire» à gérer, composé d'îlots. Le pasteur gère un territoire sous le même toit, sur son exploitation nommé «église», une sorte de territoire mental et émotionnel. Il cherche à connecter les uns avec les autres, non en plantant des chênes au milieu de la vigne, du style un chêne, un cep. Une étude biblique bien charpentée théologiquement, comme un chêne, suivi par un moment «charismatique» qui parfois peut énivrer comme le vin produit par la vigne. Il faut accepter la constitution d'ilots spirituels, bien délimités. Pourquoi pas des cultes «chênes» en même temps temps que des cultes «vignes»? Le travail du pasteur sera de trouver des activités de liens non liturgiques pour permettre la logique du fonctionnement de la biodiversité.
Pour conclure: le modèle de fonctionnement des tribus de l'Ancien Testament
Elles étaient sur le même territoire, celui d'un peuple, mais avaient des personnalités différentes, selon leur origine. La tribu de Lévy se consacrait plus à la fonction religieuse. Nos pasteurs assument un peu ce rôle. Ces tribus ne se rassemblaient pas tous les sabbats, à Jérusalem. Ils avaient leurs activités spirituelles au niveau local (dans leur îlot). Par contre, l'unité «territoriale» se vivait à Jérusalem lors des grandes fêtes liturgiques (Pâques, Pentecôte, etc...). La fête rassemblant tous les «îlots» est un modèle à développer aujourd'hui. Celui qui faisait le lien entre les îlots, c'était le «prophète». Pour gérer le territoire de nos communautés actuelles, ce serait bien de travailler en binôme: un lévite, un prophète. Je ne parle pas du prophète charismatique, mais de la personne qui veille à la santé, à la croissance spirituelle. Qui cherche des solutions à des problèmes existentiels, qui gère les conflits, etc... Le lévite-pasteur s'occupe plutôt de la surface à accorder aux différentes sensibilités spirituelles. A planter peut-être plutôt des chênes, aux abords d'un côteau de vignes? Suis-je utopiste? Bien sûr, il n'y a qu'à voir comment les tribus d'Israël se sont comportées entre elles, mais pourquoi ne pas essayer?
Autre ressource complémentaire, en vidéo, sur le thème de la vigne «permaculturée».