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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Les cultes d'une communauté adaptée à la culture internet

16 Janvier 2020, 11:51am

Publié par Henri Bacher

Soyons réalistes. Nous avons de plus en plus de peine à retenir nos publics dans nos cultes. Il y a un nomadisme qui s'installe malgré nous, malgré tous les efforts qu'on fait pour satisfaire nos auditoires. Ne parlons pas de toutes ces personnes qui ne viennent plus ou que sporadiquement au culte du dimanche matin. Ils ne perdent pas la foi, mais se sentent étranger à la manière de pratiquer le culte. Il ne faut pas oublier qu'il y a de plus en plus de rassemblements inter-églises qui ne lésinent pas sur les moyens techniques, visuels et musicaux qu'aucune communauté de moyenne importance peut s'offrir. Quand on a assisté, par exemple, à une soirée de louanges avec Glorious dans leur fief à Lyon, on a de la peine à se planter sur son banc d'église, dans une communauté traditionnelle, qui s'envole encore sur les cantiques de la foi du passé. Et n'oublions pas Youtube et d'autres canaux qui regorgent d'activités de musique, de prédications, de tutos de vie bien plus intéressants que certains cultes. Que faire? Comment se positionner?

Les cultes d'une communauté adaptée à la culture internet

La communauté chrétienne se transforme en espace de services
Traditionnellement et surtout depuis la Réforme, le culte du dimanche matin est un lieu d'enseignement de la foi chrétienne, par le chant et la prédication. On n'imaginerait pas de supprimer la prédication. La participation du croyant se résume à la prière, puis à l'offrande, voire à la Sainte Cène, rien de plus. Dans des communautés dites charismatiques, on autorise le partage des dons spirituels, mais de base le pasteur et l'équipe d'animateurs du culte, communiquent du haut vers le bas et font peu communiquer les gens entre eux. Or dans la culture d'internet, on suscite le partage d'idées, de commentaires, de critiques, d'évaluations, de biens. Le net est devenu une immense espace de service. Bien sûr, pas toujours tourné vers la gratuité, mais ce n'est pas seulement un espace marchand. Est-ce qu'on pourrait imaginer le culte du dimanche comme un immense espace de service que l'on rend à son prochain et non comme une école spirituelle animée par une équipe "scolaire" de chanteurs et de prédicateurs. Un espace de service où je verrais le Christ "se promener" comme il le faisait du temps de son passage sur terre. C'est d'ailleurs étrange qu'il n'y ait eu, dans les évangiles, aucun exemple de célébration liturgique. On pourrait qualifier le ministère du Christ sur terre comme une entreprise spirituelle de services. Le chrétien c'est les mains du Christ sur terre

Comment pourrait se pratiquer cet espace de service?
Laissons aller notre créativité. Imaginez une personne qui vient au culte parce qu'elle a un grand fardeau. Un de ses gamins est en train de divorcer. On pourrait lui suggérer un groupe de personnes qui prient spécifiquement pour elle. Au même moment, dans un autre endroit, on pourrait offrir, avec affichage du thème, un espace dédié à l'explication d'un texte biblique, pendant que dans un autre endroit, on chante. Encore ailleurs un espace de coaching pour des personnes qui doivent prendre d'importantes décisions dans la semaine qui suit, au niveau professionnel, personnel. On pourrait imaginer d'offrir un espace "restaurant" pour accueillir des personnes SDF qui ne mangent pas à leur faim. Devant le bâtiment, le chrétien pourrait apporter des objets et des livres à troquer ou à donner. Ce ne sera pas un espace commercial. L'idée c'est aussi de pouvoir inviter des personnes extérieures à la communauté. Elles auraient la possibilité de vadrouiller entre les différentes offres, sans être contraintes de participer à une activité liturgique. L'image du Christ qui "se promène", c'est tout l'aspect de la prise de contact avec les personnes présentes. On discute avec les personnes, en prenant, par exemple un café ou un apéro et on se rend compte que la personne aurait besoin qu'on prie pour elle. Ces rencontres du dimanche matin, pourraient aussi servir de "gares de triage". On pourra orienter les personnes vers des services spécifiques non pilotés par la communauté locale ou simplement vers un suivi en semaine.

Le maître-mot de ce genre d'expérience?
C'est "informalité". Les gens en général, comme d'ailleurs aussi les chrétiens, ne veulent plus être confinés dans des structures pré-conditionnées, surtout lorsqu'il s'agit du religieux. C'est aussi un résultat de la culture internet. On nous a appris à choisir et à "liker". On ne veut pas qu'on nous impose une manière de faire et de penser. Dans beaucoup de miracles du Christ, il a souvent demandé au malade: "que veux-tu que je fasse pour toi?". L'enseignant scolaire dira à son élève: "voilà ce qu'il te faut!".

Faut-il donc changer l'ensemble des cultes d'une communauté? 
Nous partons d'une culture scolaire et littéraire qui était homogène dans l'espace européen et qui a été très performante. La plupart des membres de nos communautés sortaient du même moule culturel. C'est encore, en partie, vrai aujourd'hui, mais la culture internet nous a encouragés à développer des sous-cultures. Qu'on pourrait aussi appeler "cultures tribales". Des tribus qui ont leur langage, leur style de musique, leur manière de s'habiller, leur manière de consommer comme les "vegans". L'église ne peut plus offrir un culte qui puisse convenir à toutes les tribus. Ce que je propose pour limiter le nomadisme, c'est que nous fassions des cultes différents sur le mois, pour atteindre les différentes tribus. Un culte vintage où l'on ne chante que du vintage et avec une prédication vintage, dans le plus pur style de l'explication classique du texte biblique. Un culte parents-enfants qui soit un peu plus élaboré qu'un culte pour adultes où on laisse des miettes aux enfants. Un culte style "Hillsong" ou d'autres modèles de ce genre, avec une vraie mise en scène, avec des prédications visuelles et non analytiques et peut-être un culte informel comme décrit plus haut. Bien sûr, vous pouvez tout à fait vous contenter, de votre propre style de culte, mais de grâce ne commencez pas à faire du patchwork culturel dans le même culte: musique rap, avec du rock, des cantiques tirés du chantoir "Sur les ailes de la foi", de solides prédications analytiques, mélangées à des clips vidéos qui n'ont souvent pas grand-chose à voir avec le thème de la prédication, à part qu'on y parle de la foi d’une manière générale.

Ce qu'il faut retenir, c'est que si vous restez dans votre culture d'origine, vous n'allez avoir que les personnes qui vous ressemblent. Pourquoi pas! A vous de choisir et ce n'est pas une tare si on ne s'adresse qu'à sa propre "tribu", sauf que ça restreint votre impact sur l'extérieur. Nous resterons toujours partiel. Il n'y a que Dieu qui est capable de s'adresser à toutes les cultures à la fois, mais pas forcément avec le même outil culturel, ni dans le même espace "temps". 
 

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